Info ou Com : Il faut choisir !
Le débat est lancé. Hier, j'ai publié un coup de gueule intitulé "Info ou com : il faut choisir !". Et la vague de réactions qui a suivi en dit long sur l'urgence de poser les bons mots sur ce brouillage des genres entre journalisme, communication, marketing et publicité. Le sujet n’est pas nouveau, mais il a pris une ampleur préoccupante. Quand des régies publicitaires se font passer pour des journalistes pour vendre de la visibilité à 6000€ la page, il ne s’agit plus d’un simple glissement. C’est une confusion organisée.
Karine Berthelot-Guiet , ex-journaliste et aujourd'hui chez ESCAL Consulting, le rappelle avec justesse : « La pub, le paid media, pourquoi pas... mais pas de manière détournée. Ce n’est pas de l’éditorial, et ça n’en sera jamais. » Marie-Philippine ELBAZ (Méchet) pine, aussi du monde des RP, alerte : « Beaucoup d'entrepreneurs ne savent pas voir quand un article est sponsorisé ou gratuit. Cela crée de la frustration. » Quant à Carol Galivel , elle va plus loin : « Ce brouillage jette le soupçon sur chaque tribune, chaque interview, chaque podcast. Il jette aussi en pâture les noms de journalistes respectés, associés à tort à des pratiques commerciales. »
Audrey Corcos , journaliste, souligne avec pertinence cette tension entre indépendance et réalité économique. Elle n’est pas la seule à le dire. Pascal Bruandet , de son côté, partage une anecdote d’il y a plus de trente ans, déjà marquée par ce genre de pratique : un article conditionné à l’achat d’une pub. "La presse spécialisée est gangrenée par ce genre de pratique", dit-il. Une mécanique qui, aujourd’hui, contamine aussi la presse généraliste.
Delphine Sibony Public Relations , experte RP, définit très justement l’enjeu : « Ce n’est pas une guerre entre journalistes et communicants : c’est une question de clarté et de transparence. » Parce que oui, tous les leviers sont légitimes – paid, earned, owned, shared – à condition d’être bien identifiés. Sinon, comme le dit si bien Lola, journaliste : "Quand l’auditeur, le lecteur ou le spectateur ne sait plus s’il consomme une info ou un publi-reportage, c’est la crédibilité de toute la profession qui s’effondre."
Et la responsabilité est partagée. Du côté RP, Carol Galivel le rappelle : "Quand un commercial se fait passer pour un journaliste, ce n’est pas qu’une arnaque : c’est une trahison. Pour le lecteur. Pour l’entreprise. Pour le journaliste. Pour nous."
D'autres, comme Orline Nzuzi Djomolite , Marie-Laurence Cattoire, RP ou Sabrina Curto-Laverny , insistent sur l’importance du travail d’explication et de pédagogie que cela impose aux professionnels des RP, devenus en première ligne pour décoder ces "offres" trompeuses. Et il faut le dire : ce n’est pas qu’un mal français. Une consoeur installée entre l’Europe et l’Amérique du Nord rappelait que ces pratiques sont internationales.
Dans ce grand récit de confusion, certains se font passer pour des journalistes, d'autres vendent des interviews comme on vendrait un encart. Dan Adler nous parle des tarifs affichés sans complexe : "7000 euros la page pleine, 3000 la demi-page... et on peut y dire ce qu’on veut". Bruno Cantegrel , lui, repère le stratagème : « Quand je vois que c’est la régie pub, souvent sous-traitant, je zappe direct ! »
Mais attention à ne pas caricaturer. Comme le dit très justement l’une des contributrices : "Les médias ont besoin d’annonceurs pour vivre et se développer." C’est une ligne de crête. Ce n’est pas la présence de publicités ou d’interviews sponsorisées qui pose problème. C’est leur absence d’identification claire.
Alors oui, la presse a besoin de financement. Mais pour que cette économie de l’information survive, elle a besoin de confiance. Et la confiance, elle ne s’achète pas. Elle se mérite.
Merci à toutes celles et ceux qui ont contribué à ce débat. Continuons à éclairer, à nommer les choses, à défendre nos métiers.
Et surtout, continuons à faire la différence entre un article choisi… et un article vendu.